mercredi 27 juillet 2011

La rencontre avec Lucrecia

Dans les profondeurs moites d’une vaste caverne souterraine, un combat s’engagea entre le groupe d’aventuriers et le clan kuo-toa. Sur une margelle de concrétions rocheuses avait été dressé un autel à l’effigie du dieu aberrant que vénéraient les créatures aquatiques. Le clan tout entier reprenait en cœur les mélopées lancinantes que les shamans de la tribu entonnaient pour appeler le monstre à leur secours. Les litanies étaient ponctuées du nom de Pyricus. Le monstre que les héros avaient affronté plus tôt leur avait donné un aperçu de ce dont ce genre de créatures était capable, et ils n’étaient pas très enthousiastes à l’idée d’affronter une entité de même nature élevée au status de divinité. Fort heureusement, il n’y avait aucun véritable guerrier parmi les kuo-toa en présence. En conjuguant leurs efforts, et grâce en particulier à l’efficacité les sortilèges de Paélion, les héros parvinrent à décimer la tribu kuo-toa avant l’accomplissement de leur rituel et éviter ainsi l’affrontement avec leur protecteur.

Enfin en sécurité, les héros s’accordèrent un peu de repos avant de pénétrer dans le fort par les sous-sols. Une ancienne porte dérobée leur ouvrit un accès sur les geôles. Aucun prisonnier ne croupissait dans les cellules maintenant utilisées comme débarras où étaient entreposés de nombreuses caisses et des éléments de mobilier. Un sortilège de silence leur permit de fouiller la marchandise sans attirer l’attention. Les héros découvrirent que toutes ces possessions provenaient de la barge que Lucrecia avait aménagée en casino et lieu de débauche. Ils y retrouvèrent des jetons de bois marqués du Sihédron, ainsi qu’un coffre contenant une partie des récentes recettes de l’affaire. Alors qu’ils s’apprêtaient à poursuivre leur exploration, Kaven ressentit une démangeaison au niveau de l’étrange tatouage qui ornait son cou. Les arcanistes du groupe suspectèrent qu’à travers cette marque rituelle, quelqu’un les observait à distance…

La pièce suivante était richement décorée : tapis et tentures rougeoyantes, mobiliers rares. Cette ancienne salle de garde où devaient veiller les geôliers (à moins qu’il ne se fût agi d’une ancienne salle de torture) abritait désormais les appartements temporaires mais néanmoins luxueux de Lucrecia. La femme élégante aux cheveux roux se tenait debout au centre de la pièce. Elle ne semblait nullement surprise de l’arrivée des héros. Bien au contraire, elle leur souhaita la bienvenue, et leur offrit des coupes d’un vin fin et ambré qu’elle réservait pour les grandes occasions. Flairant un piège, les héros restèrent sur la défensive, tous sens en alerte. Kaven était tout à fait troublé, mal à l’aise, ne sachant quelle position adopter. Lucrecia révéla en effet que les informations de la jeune recrue des Flèches Noires avaient joué un rôle décisif dans l’attaque du fort et le massacre qui s’ensuivit. Véritable traître ou simplement victime de manipulations, Kaven devait se sentir en partie responsable, car il ne dit rien pour se justifier ou s’expliquer. Lucrecia tenta de convaincre les héros de se joindre à sa cause, expliqua que Mokmurian et elle projetaient de conquérir la vallée, la côte des dragons, et tous les royaumes juxtant la mer des Étoiles Déchues, qu’il n’y aurait pas de limite à leur domination, que ceux qui contrôlaient la Magepeste pouvaient régner sur le monde, qu’il n’était pas trop tard, que les héros pouvaient encore changer de camp, qu’une place de choix leur serait réservée… Les aventuriers ne se laissèrent pas berner pas ces belles paroles. Ils comprirent que Mokmurian était un géant de pierre qui, impressionné par les pouvoirs de l’ambitieuse Lucrecia sur la Magepeste, avait conclu une alliance avec elle. Les agissements du clan ogre de Jaagrath Kreeg et l’attaque du fort n’étaient en somme que préliminaires dans un plan machiavélique de plus grande envergure.

Lucrecia avait évidemment prévu l’éventualité d’un refus de coopérer. Elle avait mis en place un rituel au cas où un affrontement avec les héros devrait avoir lieu. C’était sans doute là l’explication de sa sérénité et de sa grande confiance en elle. Voyant que cette conclusion était inéluctable, elle se transforma, laissant paraitre sa véritable apparence de lamie, puis fit appel au pouvoir de la Magepeste pour achever le rituel. Quelques instants plus tard, une grande créature gorgée de cette énergie bleue et corruptrice fit son apparition à travers un portail hexagonal. Le monstre aux multiples bras et griffes flottait dans l’air et utilisait d’autres portails secondaires pour porter ses attaques. C’était une créature redoutable connue sous le nom de sharn. Kaven prit la fuite dès que le combat s’engagea. Sous sa forme de lamie, le corps de Lucrecia se décomposait à volonté en essaims d’insectes, ce qui la rendait résistante aux attaques martiales. Elle usait de sa magie pour paralyser et désorienter les héros, de façon à restreindre leurs mouvements et leurs capacités de riposte. Le sharn lui-même, qui contrôlait l’ensemble du champ de bataille, alternait des attaques dévastatrices, et des coups plus sournois handicapant les aventuriers. Les premières minutes du combat furent à l’avantage des ennemis. Les héros ne focalisaient pas leurs attaques et peinaient à se synchroniser. Jakardros périt au combat. Peu à peu, les combattants s’organisèrent, focalisèrent leurs efforts contre Lucrecia, qui blessée, fut contrainte à prendre la fuite, sous forme d’une nuée d’insectes. La sharn ne semblait pas disposé à fuir, et remplirait jusqu’au bout la mission pour laquelle il avait été invoqué. L’affrontement fut long et pénible, mais peu à peu, le monstre faiblissait. Lorsque le coup de grâce fut porté, il se dématérialisa dans un éclair de lumière bleue. Une fouille minutieuse des appartements permit de mettre la main sur les livres de comptes relatifs à la barge de Lucrecia, sur une liste des villageois tatoués par le mystérieux rituel qu’elle y avait mis en œuvre, qsur uelques lettres issues d’une correspondance entre la lamie, Jaagrath Kreeg, et Mokmurian, ainsi que sur plusieurs ouvrages et manuscrits traitant de la Magepeste et dont Paélion pensait pouvoir tirer quelque chose dès lors qu’il aurait quelques heures d’étude à y consacrer pleinement.

Les héros décidèrent de continuer leur exploration avant que l’alerte ne fut donnée. Seul Vale Temros les accompagna. Epuisée et ébranlée par la mort de Jakardros, Shalelu préféra veiller sur le corps de son beau-père, et rester en arrière pour sécuriser une voie de sortie au cas om les héros devaient rebrousser chemin et seraient forcés à prendre la fuite. Un escalier mena le groupe au cœur de la forteresse. Les dégâts qu’y avaient faits les ogres étaient partout visibles, et les anciens quartiers des Flèches Noires n’étaient plus qu’amas de détritus, débris, et autres immondices. Les héros furent attirés par des cris provenant d’une salle sur leur droite. Ils s’y précipitèrent pour découvrir une scène macabre. Un ogre aussi imposant que fou avait transformé l’ancienne infirmerie en un musée dont les statues étaient des cadavres humains tantôt dépecés ou éventrés placés dans des postures grotesques. La récente victime qui venait de pousser ses derniers cris n’était d’autre que Kaven. Le jeune homme n’avait pas réussi à fuir bien loin en fin de compte. Le corps du malheureux était secoué de spasmes post-mortem, son visage encore déformé par la douleur témoignait des tortures qu’il venait de subir. Un combat s’engagea. L’ogre poussa de forts grognements pour alerter ses congénères présents à l’étage. Bientôt de nombreux autres ogres se bousculèrent dans un étroit couloir pour prendre les héros à revers. Fort heureusement, la disposition des lieux n’était pas favorable aux créatures qui y étaient à l’étroit et restreintes dans leurs mouvements. Les héros mirent cet avantage à profit pour limiter le nombre d’adversaires avec lesquels ils engagèrent le combat. Les ogres ne faisaient preuve d’aucune finesse ou d’aucun sens tactique, et tombèrent, les uns après les autres. Le combat fut violent et sanglant. Les héros subirent de vilaines blessures, mais en sortirent victorieux, sans déplorer de nouvelles victimes. Vale fit observer que des renforts ne tarderaient pas à arriver, vraisemblablement en provenance de la cour ou des bâtiments extérieurs. Les héros décidèrent donc de bloquer les portes principales du fort, limitant donc la menace immédiate aux ogres présents à l’étage supérieur...

jeudi 7 juillet 2011

L’infiltration souterraine

Le groupe de héros se mit en route sous une pluie battante et un ciel d'orage régulièrement zébré d'éclairs. Le débit de rivière qui alimentait le lac Fondargile avait sensiblement augmenté, mais le cours d’eau ne débordait pas de son lit, preuve que le barrage en amont faisait toujours son office. En arrivant au fort de Rannick, impressionnante structure fortifiée à flanc de falaise, ils purent observer les signes ostensibles de la victoire des ogres : cadavres à demi dépecés d’hommes et d’animaux, piques arborant les têtes et autres trophées arrachées aux victimes. On pouvait même distinguer les signes de l’activité à l’intérieur de la forteresse : fumée noire et odorante d’un brasier, effluves des eaux usées d’un égout improvisé…

Le climat était à l’avantage des aventuriers qui purent s’approcher des murailles sans se faire repérer par les vigiles ogres qui patrouillaient sur les remparts. Ils trouvèrent sans mal la cascade qui tombait du haut de la falaise, et purent atteindre les rives de l’étendue d’eau agitée qui se formait à sa base. Ils purent estimer la hauteur à laquelle se frayer un passage pour rejoindre les souterrains. Mais l’atteindre était une autre histoire. Escaladant longitudinalement la paroi à la base de la falaise, malgré la végétation et l’humidité, ils purent arrimer une corde pour assurer les nageurs qui allaient tenter la traversée. Le courant s’avéra si puissant, qu’ils durent s’y reprendre à plusieurs fois, avant de parvenir exténués au bas de cascade. Faisant appel à la magie, ils parvinrent à tirer une nouvelle corde qui leur servirait de support pour l’ascension, qui ne fut pas exempte de quelques chutes douloureuses.

Trempés, épuisés, et blessés pour certains, les héros pénétrèrent enfin dans le dédale de souterrains naturellement creusé dans la roche de la falaise. Rapidement, des indices confirmèrent la présence de la tribu de kuo-toas. Et ils ne tardèrent pas à tomber nez-à-nez avec une patrouille de ces petits humanoïdes aquatiques. La diplomatie tourna court : les kuo-toas n’attaqueraient pas les intrus s’ils acceptaient de faire demi-tour, mais ils n’autoriseraient pas qu’on pénètre leur territoire sacré. Les bipèdes à écailles semblaient en effet vénérer une sorte de créatures aberrante des profondeurs qu’ils vénéraient comme un dieu.

Un monstre connu sous le nom de Balhannoth, tapi dans les profondeurs d’une rivière souterraine déclencha les hostilités. La masse tentaculaire combinait les capacités de se mouvoir sous l’eau avec aisance, de paralyser ses ennemis, de se rendre invisible, et de surprendre ses proies en se téléportant derrières elles. Les kuo-toas représentaient également une menace, harponnant leurs cibles et les entrainant dès que possibles sous l’eau ou dans les tentacules du monstre. Le combat fut l’un des plus difficiles que le groupe eut à mener depuis longtemps. Malgré le soutien de Shalelu et des Flèches Noires, l’issue en resta longtemps incertaine. Il s’en fallu de peu de déplorer des morts.

Les héros prirent à peine le temps de souffler et se remirent en route, décidés à profiter de l’effet de surprise. Ils optèrent pour localiser une entrée directement vers les sous-sols du fort, et non donnant sur la cour intérieure, et s’enfoncèrent donc, essayant de conserver le cap dans cet environnement particulier. Mais avec deux nains parmi leurs membres, le groupe n’eut pas de grandes difficultés à s’orienter. Des vestiges du passé témoignaient d’une époque où les galeries étaient utilisées comme passages secrets par les bâtisseurs du fort. Ils arrivèrent à un pont rudimentaire suspendu au dessus d’une profonde faille souterraine. Cette passerelle de cordes élimées et de planches vermoulues n’avait pas été utilisée depuis des décennies, si ce n’était des siècles. Malgré leur prudence, ils furent plusieurs à tomber dans la faille. Le pont lui-même finit par s’écouler. Heureusement, les héros s’étaient parés par des moyens conventionnels ou magiques à cette éventualité… De nouvelles blessures, d’autres frayeurs, mais tout le monde parvint tant bien que mal à atteindre l’autre coté sains et saufs.

Ils continuèrent leur progression jusqu’à une vaste caverne humide et irrégulière qui servait d’habitat au clan kuo-toa. La plupart n’était pas des combattants aguerris, mais tous savaient manier des armes de chasse ou improvisées. Un prêtre récitait une litanie reprise en cœur par toute la tribu. Un autel arborait les offrandes faites à leur dieu aberrant. Les héros tentèrent une nouvelle fois de négocier. Les négociations semblaient bien parties, quand une phrase prononcée, un mot de trop, une attitude hostile fit tout déraper…