A l’intérieur de Fort Rannick, les héros étaient décidés à pousser leur avantage. Sans perdre un instant, ils montèrent à l’étage. D’après Vale Temros, la partie haute de l’édifice comportait une chapelle, une salle de guerre également utilisée comme tribunal, et les quartiers du commandant Lamatar des Flèches Noires. C’était probablement là que devait se trouver le chef ogre Jaagrath Kreeg. Enora fit un premier repérage des chemins de ronde extérieurs. Les ogres postés là ne semblaient pas constituer de danger, et accordaient plus d’intérêt à leurs congénères qui commençaient à tambouriner sur la porte principale du fort qu’à leur mission de surveillance.
En ouvrant la porte de la chapelle, les héros tombèrent en effet nez à nez avec Jaagrath Kreeg. L’imposant barbare ogre brandissait une faucille de la taille d’un homme. L’endroit de prière avait été réaménagé en l’honneur de Lamashtu. De hideux assemblages d’animaux empaillés et de membres arrachés témoignaient de leur adoration de la déesse des monstruosités. Aux côtés du chef ogre, un shaman cessa ses grognements psalmodiés pour affronter les héros. Rapidement, tout l’étage fut le théâtre du combat. Une ogresse-mage pestiférée occupait les appartements de Lamatar. Elle invoqua des esprits de Magepeste pour combattre les héros. D’autres guerriers ogres arrivèrent également en renfort. Les héros réussirent à isoler leurs ennemis, et à les cantonner dans des espaces confinés où ils n’étaient pas à leur avantage. L’affrontement fut épique et particulièrement violent, mais les tactiques et les pouvoirs combinés des aventuriers leur permirent une fois encore de remporter la victoire.
Mais il restait un problème : le reste de l’armée de monstres tambourinait encore aux portes du fort. Les héros décidèrent de les intimider pour les inciter à la fuite. Ils coupèrent la tête du cadavre de Jaagrath Kreeg. Bitul la brandissait du haut des remparts comme un trophée en criant. Puis il sauta au milieu de ses ennemis, les menaçant de subir le même sort. Ses compagnons se joignirent à lui pour intimider les ogres. Après quelques instants d’hésitation, les créatures reculèrent, se retournèrent, puis quittèrent les lieux, en fuyant vers les forêts alentours… Malgré une fouille minutieuse du fort, les héros ne trouvèrent aucune trace de Lucretia. Ils prirent néanmoins le temps d’offrir une sépulture descente aux victimes dont les cadavres juchaient encore les lieux. Le corps de Lamatar, le commandant des Flèches Noires, ne fut pas retrouvé. En revanche, dans ses quartiers, les héros découvrirent que l’homme entretenait une relation amoureuse avec une créature féérique d’une grande beauté nommée Myriana.
Le temps n’avait cessé d’empirer, les averses tombaient continument, détrempant le sol. Alors que les aventuriers prenaient quelques heures de repos bien mérités, ils entendirent une détonation sourde, suivie d’un puissant grondement dont le brouhaha résonnait dans la vallée. Selon toute vraisemblance, une faille s’était ouverte dans le barrage en amont, et des trombes d’eaux déferlaient dans la vallée, emportant tout sur leur passage. Les héros s’interrogèrent sur le moyen de se rendre sur place pour constater les dégâts, mais les rives du torrent étaient pour l’instant impraticables. Restait la possibilité bien mince que des aigles géants soient encore en vie et en état de voler, que les héros parviennent à les atteindre, et que les grands oiseaux soient disposés et en mesure de les aider. Quand on ajoutait les averses de pluie, l’espoir restait bien mince de parvenir à mettre facilement ce plan à exécution... Les héros aperçurent alors une monture sans cavalier. Ils partirent à sa recherche et trouvèrent un villageois inconscient qui avait visiblement été surpris par la crue soudaine et tenté de fuir. Ils le ramenèrent au fort et lui prodiguèrent quelques soins. L’homme était un chasseur et il répondait au nom de Bran Fered. Il remercia ses sauveurs et leur expliqua que de nombreuses autres vies étaient menacées et qu’il leur fallait porter secours aux habitants du Bac de la Tortue.
Les héros, à défaut d’un meilleur plan dans l’immédiat, décidèrent de se rendre au village. Le pont de pierre avait été emporté, la largeur et le courant rendaient la traversée à la nage difficile, mais il n’y avait pas d’autre alternative. Assurés par une corde, les plus robustes d’entre eux se mirent à l’eau. Après plusieurs tentatives épuisantes, ils parvinrent à traverser et à tendre la corde au dessus du torrent pour leurs compagnons. En arrivant au Bac de la Tortue, le groupe put constater les dégâts. Les trois quarts du village avaient les pieds dans l’eau. Près des côtes, le niveau du lac atteignait le premier étage ou le toit de certains bâtiments. S’il y avait eu des victimes, il était encore trop tôt pour les dénombrer. On se focalisait plutôt sur le sauvetage des survivants. Les héros apprirent que des enfants étaient en danger. L’institutrice Tillia Henkenson était parvenue à faire monter la classe dans l’une des barges, en tentant de quitter l’école inondée. Mais les courants avaient poussé l’embarcation, qui était à présent coincée dans une position instable contre les hauteurs d’une maison. Des créatures aquatiques rôdaient dans cette eau agitée. A chaque instant, un enfant pouvait manquer de tomber à l’eau, et de finir mangé par ces carnivores. Les héros se répartirent les tâches pour leur venir en aide. Certains escaladèrent les toits, et évitant l’eau, tentèrent de s’approcher de l’embarcation. Bitul et Belrag occuperaient les créatures. Le nain s’attaqua à de gros serpents aquatiques, et le barbare à un énorme crocodile géant. Paélion parvint à traverser en se téléportant, puis à rejoindre l’esquif. Enora et Namnam tombèrent à l’eau en essayant de sauver des enfants de la noyade. La situation était mal engagée, et les héros crurent perdre tout espoir quand ils virent avec effroi le crocodile avaler Bitul d’une seule bouchée. Mais leur persévérance fut récompensée : ils parvinrent à stabiliser la barge, attacher une corde pour évacuer les enfants, et terrasser les monstres. Même Bitul s’extirpa triomphant des entrailles de la créature qu’il avait continué de combattre de l’intérieur…