Tout espoir n’était pas perdu pour Paélion. Enora se porta volontaire pour conduire son corps auprès du Père Maélin. Les talents du prêtre pourraient peut-être rappeler le magicien à la vie. A dos d’aigle géant, ils s’envolèrent vers le Bac de la Tortue. Les habitants y enterraient leurs morts, comptaient leur disparus, et organisaient la reconstruction du village. L’arrivée d’Enora sur la place centrale ne passa pas inaperçue. Les aventuriers avaient déjà un statut de héros, et rentreraient sans doute bientôt dans les légendes. Le temple de Chauntéa avait souffert des récents événements, mais sa structure tenait encore debout. L’endroit servait de refuge et de lieu de rassemblement. Père Maélin y était en grande conversation avec Shalelu et avec un mystérieux éladrin, prénommé Calenon. Shalelu avait accompli sa mission. Cherchant des alliés parmi les peuples de la forêt, elle avait rencontré cet ambassadeur originaire de la Féérie, qui avait accepté de nouer le dialogue. L’éladrin se montra néanmoins assez distant et resta prudent dans ses déclarations. Son peuple et les créatures féériques qu’il représentait avaient également leurs propres problèmes. Un rendez-vous fut convenu le lendemain à Fort Rannick pour poursuivre la discussion. Pour l’heure, le cas de Paélion était plus préoccupant. Le Père Maélin prit les choses en main. Calenon offrit son aide, et les nouveaux talents de ritualiste d’Enora furent également mis à contribution. La cérémonie de résurrection fut exécutée selon les rites de Chauntéa, avec le souci ne pas trop contrevenir aux règles de la Nature. Pendant de longues heures, l’esprit de Paélion erra entre la vie et la mort, le rêve et la réalité, la féérie et le monde matériel. A une heure avancée de la nuit, enfin, le corps du magicien reprit vie. Paélion semblait changé : une telle expérience ne pouvait laisser quiconque vraiment indemne.
Le lendemain à l’aube, Enora et Paélion rejoignirent leurs compagnons qui avaient passé la nuit au barrage. Le groupe s’apprêtait à entrer dans une caverne où ils avaient observé des signes de bataille. C’était le repaire d’un ettin à deux têtes et des ours géants qui lui tenaient lieu de compagnons. Un dialogue s’engagea avec les héros. La créature possédait deux personnalités, l’une étant visiblement plus belliqueuse que l’autre. L’ettin expliqua que les ogres avaient monnayé leur passage, qu’il n’aurait pas du leur faire confiance, qu’un de ses ours était mort maintenant, que d’ailleurs les aventuriers ne valait pas mieux qu’eux, et qu’ils tâteraient de son gourdin… Paélion, croyant bien faire, reproduisit le cri des ogres grâce à un sortilège de prestidigitation. Mais ceci ne fit qu’empirer la situation déjà tendue. L’ettin passa à l’attaque. Heureusement, les héros parvinrent à prendre la fuite avant que le monstre à deux têtes et ses ours géants ne les attrapent.
Enfin, ils décidèrent d’entrer dans la structure même du barrage. En éclaireuse, Enora pénétra par une fenêtre et tomba nez à nez avec un groupe de trolls. Des cadavres d’ogres étaient visibles dans la pièce, sans doute le groupe de démolisseurs de la tribu Kreeg. On pouvait être à peu près sûr qu’ils n’avaient pas réussi à passer. Les autres héros rejoignirent rapidement Enora. Un combat violant s’engagea aussitôt. Paélion entama les hostilités par une succession de sorts qui immobilisaient leurs ennemis, et les empêchaient de faire appel à leur faculté de régénération. Enora fit aussi parler les arcanes, en prenant pour cibles les créatures les plus dangereuses, situées à distance. Les autres héros formaient une ligne de front et se battaient au contact, multipliant les coups d’éclat. Ils prirent l’avantage dès le départ et le conservèrent pendant tout le combat, jusqu’à l’éradication du dernier troll. Derrière une porte portant l’inscription de « papa Grazuul », un escalier abrupt descendait dans la structure du gigantesque édifice. Plusieurs étages plus bas, les héros découvrirent un complexe de trois salles. Chacune avait un bassin en son centre. Ces bassins communiquaient par de larges conduits immergés. Leur investigation fut interrompue par l’irruption d’un troll aquatique géant, qui sortit des eaux troubles du bassin central. Enora remarqua un empilement de crânes parfaitement lustrés et empilés avec soin contre un mur de la salle. Elle lança aussitôt un sortilège qui fit s’effondrer la collection macabre comme un vulgaire château de cartes. Cela mit le monstre hors de lui. Il réagit et fonça sur la malheureuse, au mépris des risques et des dangers. Les autres compagnons profitèrent de l’aubaine pour encercler la créature. Le troll parvient à faire tomber au sol et repousser ses adversaires pour se dégager de ce mauvais pas, mais au prix de sévères blessures. Une fois dans l’eau et ayant un meilleur contrôle tactique du combat, papa Grazuul s’avéra être un adversaire plutôt coriace. Combinant des coups de griffes et de fourche, avec de dangereuses émanations gazeuses, il put tenir tête aux héros un bon moment. Mais l’étau se resserrait. Malgré ses capacités de régénération, il réalisa qu’il ne ferait pas le poids sur la durée. La créature renonça donc au combat, et disparut par une large canalisation située au fond d’un bassin.
Dans l’une des salles, Namnam étudia un bas relief qui semblait être en réalité le panneau de contrôle des machineries du barrage. Des flotteurs mobiles fixés contre les parois des bassins fournissaient à la machine les informations de pression et de niveau, sensées piloter l’ouverture et la fermeture des vannes. Mais aucune commande ne répondait, comme si le mécanisme n’était plus alimenter. Paélion confirma que les sortilèges qui en constituaient les moteurs arcaniques étaient encore en place. Seule manquait la source de puissance capable de mettre en branle la magie de cette mécanique. Derrière ce qu’il restait de la pile de crânes, Enora dégagea une porte et révéla un couloir. Il menait à deux cellules fermées par de solides herses. Dans chacune d’elle un cercle runique était gravé sur le sol. Le premier était couvert de cendres noires. Sur le second gisait ce que les héros prirent d’abord pour un cadavre. Ce dernier bougea une main, un bras, puis faiblement tenta de se relever. Il avait l’apparence d’un diable ou d’un démon. Il était mourant, ne semblait plus posséder qu’un dernier souffle de vie. La créature des plans inférieurs tenta de négocier sa libération, promettant d’aider les héros à faire fonctionner le barrage. Ces derniers refusèrent. Pas question de faire confiance à une engeance infernale. Ils comprirent finalement que c’était l’énergie vitale des créatures enfermées dans ces cellules qui fournissaient l’énergie. Le mécanisme avait cessé de fonctionner à la mort de la première des deux. Ne laissant rien au hasard, ils se préparèrent du mieux qu’ils purent au sacrifice qu’ils s’apprêtaient à faire. Les deux plus robustes d’entre eux prirent enfin place sur le cercle runique inoccupé. Pendant de longues minutes qui semblèrent durer une éternité, ils endurèrent une douleur lancinante et cruelle, et se vidèrent de leur énergie. Les vannes du barrage s’ouvrirent, et les niveaux commencèrent à s’équilibrer. A chaque seconde, des tonnes d’eau se déversaient du lac Storval et alimentaient le torrent et la vallée en aval. Mais le débit était régulier et contenu. Le barrage avait été conçu pour éviter toute catastrophe naturelle. A la mort du démon, tout s’arrêta, et les vannes se refermèrent. Tout danger de voir le barrage céder était à présent écarté. Le Bac de la Tortue était au moins en sécurité jusqu’à la prochaine fonte des neiges et les fortes pluies de printemps. Celait laisserait tout l’hiver pour trouver une solution plus définitive au problème.
mercredi 30 novembre 2011
lundi 7 novembre 2011
Chute mortelle au Barrage des Crânes
Dans le village inondé du Bac de la tortue, Belrag , Bitul, Enora, Paélion et Namnam, durent faire face à une nouvelle catastrophe. En effet, une immense créature aberrante, une sorte de kraken géant, avait prit d’assaut le temple de Chauntéa. Ses multiples tentacules aussi gros de des troncs d’arbre s’abattaient sur le lieu de culte où de nombreux villageois s’étaient réfugiés. Le monstre, originaire des profondeurs du lac Storval en amont du barrage, s’était probablement frayé un chemin lorsqu’une brèche s’y était ouverte, puis avait dévalé la pente avec les eaux déferlantes du torrent. A peine remis de leurs exploits précédents, les héros tentèrent de prendre les choses en main. Dans un premier temps, ils furent contraints de rester à bonne distance : le monstre était bien plus à l’aise qu’eux dans un milieu aquatique, et la portée de ses tentacules semblait menaçante. Cela était bien sûr au détriment des guerriers du groupe, et leurs premières attaques contre la créature furent plutôt inefficaces. Et ils n’étaient pas au bout de leurs mauvaises surprises. En effet, le kraken dévoila d’étonnantes capacités psychiques. Il prit le contrôle mental de plusieurs aventuriers, les forçant à attaquer leurs compagnons, ou à se jeter dans ses tentacules. Rapidement, ils comprirent qu’ils ne pourraient pas remporter l’affrontement et changèrent de stratégie. Il fallait se contenter de faire fuir le monstre, de le décourager de s’en prendre au village. Les héros adaptèrent leur tactique de combat en conséquence. Ce pari fut payant et au bout de longues minutes d’un combat éprouvant et dévastateur, le kraken renonça enfin et prit la fuite dans des eaux plus profondes. La créature manqua de peu d’emporter avec elle l’un des aventuriers mais ce dernier réussit à se dégager in extremis.
Les menaces immédiates pour la sécurité du Bac de la tortue étaient écartées. Les habittants devraient s’organiser : se regrouper dans les bâtiments plus à écarts ayant échappé à l’inondation, construire des baraquements de fortune, enterrer leurs morts et compter leurs disparus… Bran Fered et certains autres villageois acceptèrent la proposition des héros de rejoindre Fort Rannick. L’entretien du fort nécessiterait de la main d’œuvre, et malgré son éloignement, il constituait un abri sûr qui convenait à certains. Les héros retournèrent donc au Fort. Leur intension était de poursuivre ensuite jusqu’au barrage, pour comprendre ce qui s’était passé, et évaluer les dégâts. La pluie avait enfin cessée, et les eaux du torrent avaient presque retrouvé leur niveau et leur débit habituels. Néanmoins, cette accalmie n’était peut-être que de courte durée. Si le barrage n’avait pas complètement cédé, la brèche qu’il avait très certainement subi, l’avait vraisemblablement fragilisé. Une catastrophe bien pire encore que ce que la vallée venait d’endurer risque encore de se produire à chaque instant.
Les éclaircies permirent aux oiseaux, cloués au sol depuis des jours entiers, de reprendre leur envol en quête de nourriture. Les héros crurent même apercevoir les silhouettes caractéristiques de majestueux aigles géants, dont ils n’avaient vu jusqu’à présent que les cadavres mutilés par les ogres. La Nature elle-même semblait avoir toujours été présente aux côtés des héros dans leur combat contre la Corruption et la Magepeste. Estimant de bonne augure les circonvolutions de ces nobles volatiles et anciens alliés des Flèches Noires, Namnam proposa de faire un détour jusqu’à leur aire située en surplomb du fort. La petite shaman n’eut guère de difficulté à convaincre le reste du groupe. Les villageois qui les avaient accompagnés les aidèrent à dégager le passage qui menait à ses hauteurs. Les héros progressèrent à travers un boyau sous-terrain qui déboucha quelques centaines de mètres plus loin. Ils continuèrent un moment le long d’un chemin à flanc de falaise. Ils durent faire appel à leurs talents de grimpeurs pour atteindre le sommet. L’aire contenait plusieurs nids, la plupart inoccupés. Le combat contre les ogres avait du faire beaucoup de victimes. Les aigles survivants étaient blessés ou affaiblis. Les héros durent essayer à plusieurs reprises avant de parvenir à les approcher. Ils leur fournirent de la nourriture et des soins. Les grands rapaces semblaient dotés d’une intelligence supérieure à la moyenne du règne animal. Ils semblaient également familiers de la présence humaine. De vieux harnais de cuir en lambeaux et d’anneaux rouillés témoignaient d’une époque lointaine où les fondateurs de Flèches Noires devaient les utiliser comme montures. Il fallu néanmoins une bonne partie de l’après-midi à Namnam et ses compagnons pour faire comprendre aux aigles l’intérêt d’une entraide, et les convaincre de se laisser chevaucher. Paélion restaura par magie les harnachements. Commença ensuite le dressage et l’apprentissage difficile. Pour la plupart des aventuriers, cela relevait de la véritable acrobatie et leurs rudiments d’équitation leur semblèrent un acquis bien maigre pour accomplir cette tâche. Néanmoins, à force de persévérance, c’est bien sur le dos de montures ailés que le les héros quittèrent les sommets, et s’envolèrent en direction du barrage.
Malgré le temps plus clément, des vents violents tourbillonnaient encore en altitude, si bien, qu’ils remontèrent le courant à moins d’une quinzaine de mètres au dessus du lit de la rivière. En arrivant devant le barrage, les héros purent en contempler la taille titanesque. Sa démesure et ses origines étaient en tout points comparables à celles des constructions qu’ils avaient pu observer à Port-ponant. L’édifice, à l’image d’un gigantesque bas-reliefs, était orné de milliers de crânes de pierre dont les plus petits mesuraient au bas mot deux mètres de diamètre, et les plus grands une bonne dizaine. Quatre de ces crânes semblaient faire office l’immense vannes sensés réguler le débit du courant en aval. Toute quatre étaient solidement fermées, forçant l’édifice à résister tant bien que mal à l’incroyable pression que l’eau du lac Storval en crue devait exercer sur sa structure. A droite, une brèche s’était formée au sommet du barrage. Un torrent violent de plieurs mètres de large s’y engouffrait puis tombait dans une chute d’eau vertigineuse qui dévalait les parois abruptes de l’édifice.
La présence des héros sur leurs aigles géants fût aussitôt remarquée. Deux vrocs hideux montés par des ogres décolèrent et chargèrent aussitôt. Plus impressionnant encore, les ogres s’étaient attirés l’assistance d’un roc, d’une taille si impressionnante qu’il pouvait broyer ses adversaires entre les griffes d’une seule de ses serres. Au sommet du barrage, d’autres ogres dont un shaman, et même un géant des collines faisaient partie du comité d’accueil. Visiblement interrompus dans leur entreprise de démolissage, les créatures engagèrent à leur tour le combat. Les aventuriers apprirent à leurs dépens les difficultés du combat monté. Sous les coups de boutoir des vrocks, les rochers que projetaient le géant, et les décharges de tonnerre infligés par l’ogre shaman, rester accroché à sa monture devenait un véritable problème. A cette hauteur, toute chute pouvait être mortelle. Bitul fut le premier à en faire l’expérience, mais son endurance surnaturelle lui permit d’encaisser le choc, et de retourner tant bien que mal au combat. Paélion n’eut pas cette chance. Il ne vit que trop tard le roc fondre sur lui, l’arracher à sa monture, l’entrainer dans les airs, et le lâcher dans le vide. La violence de l’impact brisa tous les os du magicien qui y laissa la vie. Sans doute galvanisés par la perte de leur compagnon, les autres redoublèrent de pugnacité. Paélion serait vengé, ou bien ils périraient eux aussi. Il s’en fallu de peu, mais ils réussirent à reprendre le dessus. Ils furent victorieux. Mais pouvait-on vraiment parler de victoire quand l’un des leur avait péri au combat…
Inscription à :
Articles (Atom)