mardi 19 avril 2011

Les survivants de Fort Rannick

Enora rejoignit le groupe d’aventuriers alors qu’ils passaient au crible fin la ferme désormais habitée par une famille ogre. Ils déjouèrent d’autres pièges mortels dont l’un manqua de priver Paélion de sa main droite. Ils dégotèrent parmi les débris, détritus, peaux humaines, et morceaux de chairs en décomposition, quelques richesses accumulées par les monstres ainsi que quelques objets dignes d’intérêt. Sous les combles de la chaumière, un vaste atelier témoignait des expérimentations arcaniques des ogres et de leur indéniable talent pour la confection de pièges. Enora s’empara d’un bréviaire de rituels nécromants, et Paélion d’une trousse d’outils enchantés. Les héros poursuivirent leur exploration au sous-sol. Ils entrèrent dans une salle ensanglantée, qui devait servir à torturer et dépecer leurs captifs. Le cadavre encore frais d’un ranger des Flèches Noire gisait éventré et éviscéré sur une table à découper. Plus loin, ils découvrirent d’étranges cages imprégnées de Magepeste.

Sans s’attarder, ils ouvrirent une nouvelle porte pour tomber finalement nez-à-nez avec un ogre aussi massif que difforme. De part et d’autre du monstre se tenaient deux énormes rats pestiférés de la taille de gros chiens, à l’échine hérissée de cristaux verdâtres semblables à ceux observés à Mantétoile. Un mécanisme complexe de cordes tendues, de poulies et de pitons recouvrait les murs et le plafond de la salle. Bitul comprit qu’il s’agissait d’un nouveau piège, et prit les devants en sectionnant la corde la plus proche d’un violent coup d’épée. Aussitôt, des blocs de pierre fûrent projetés avec violence dans la pièce, frappant régulièrement le sol en grand fracas. L’ogre battit alors en retraite. Les gros rats couvrirent sa fuite, bloquant le passage aux héros, les obligeant à s’exposer aux éboulements. Enora et Paélion attaquaient les rats de leurs sortilèges à distance. Namnam étudiait le mécanisme infernal afin d’anticiper les chutes de pierre, puis elle se risqua à approcher des créatures. Pendant ce temps, Belrag et Bitul firent un détour, et entreprirent d’abattre un mur pour fournir un nouvel accès moins exposé. Bientôt, les animaux pestiférés tombèrent sous les attaques des héros. La pièce piégée s’effondra alors qu’ils pénétraient dans l’arrière-salle où l’ogre s’était réfugié.

Dans une vaste salle couverte de mousse, aux côtés du premier ogre, se tenait un monstre végétal, lui-même autrefois un ogre, victime d’une malédiction. L’épée de Bitul frémit en sentant la présence de cette maléfique magie féérique. Belrag et lui abattirent un nouveau pan de mur et se jetèrent dans la mêlée, prenant les créatures de flanc. Enora, qui avait économisé ses pouvoirs, fit déferler les éléments contre leurs ennemis. Paélion, à bonne distance, protégea les attaquants grâce à un mur illusoire qui berna les monstres. L’ogre faisait tournoyer un fléau d’arme contre tous ceux qui se risquaient à portée de son allonge. Le tertre végétal envoyait ses bras tentaculaires contre les héros. Ces lianes animées agrippaient, écrasaient et projettaient leurs proies au sol. Après un combat effréné, Belrag parvint à achever l’ogre. Peu après, la masse végétale tomba également sous les coups d’épée du barbare et les flammes arcaniques du magicien. Une niche au fond de la salle contenait les armes, armures et richesses que les ogres avaient dérobées à leurs victimes.

Pendant ce temps, Shalelu avait prodigué les premiers soins aux trois prisonniers et partagé avec eux de l’eau et de la nourriture. L’elfe était en vive discussion avec celui qui semblait être le meneur de ce petit groupe de rescapés des Flèches Noires. Le vétéran était barbu et borgne. Il se prénommait Jakardros. Il ne fut pas difficile de comprendre que l’homme était le beau-père de Shalelu. Cette dernière lui reprochait d’être parti sans explication après la mort de sa mère. Jakardros ne semblait pas se réjouir de ses retrouvailles. L’arrivée des héros lui donna l’occasion de changer de sujet conversation. Le deuxième homme s'appellait Vale, était noir de peau, avait le crâne rasé et parlait avec un léger accent du Turmish. Il semblait avoir de solides notions de construction et de stratégie, et était plus intelligent que ce que son imposante hache à deux mains pouvait laisser supposer de prime abord. Le troisième ranger était une jeune recrue. L’adolescent était beau garçon et répondait au prénom de Kaven. Les héros s’enquirent de la situation au fort de Rannick. Jakardros et ses hommes leur apprirent que la forteresse était tombée aux mains d’une armée d'ogres dont le chef était un certain Jaagrath Kreeg. Tous les hommes et femmes des Flèches Noires avaient été massacrés. Ils étaient les seuls survivants. Malheureusement, leur fuite les avait conduits ici-même où ils avaient été faits prisonniers par d’autres ogres. D’après leurs suppositions, ils ne devaient leur survie qu’à l’intérêt que leurs geôliers portaient à ce Jaagrath Kreeg et à la situation au fort.

Belrag écouta attentivement le récit de la bataille de fort Rannick. L’idée d’une trahison lui vint à l’esprit. Ses compagnons ainsi que les trois survivants ne pouvaient rejeter cette hypothèse. La forteresse qui avait fait face à des hordes de géants depuis près d’un siècle était soudainement tombée aux mains de trois ou quatre douzaines d’ogres. Facilement, trop facilement. La discussion glissa ensuite vers Lucretia. Kaven était visiblement mal à l’aise, remontant le col de sa chemise comme s’il avait quelque chose à cacher. Paélion crut percevoir une étincelle arcanique. Le jeune homme ne put cacher bien longtemps son secret à la sagacité et à la force de persuasion des héros. Il dévoila au reste du groupe le petit tatouage en forme de Sihedron à la base de son cou. Il avoua avoir été un régulier du Paradis, le casino flottant de Lucretia. Cette dernière l’aurait gratifié de cette marque de prestige qui permettait à ses meilleurs clients de bénéficier d’un accès privilégié aux tables de jeu. Mais derrière ce simple signe de reconnaissance se dissimulait un rituel bien plus complexe dont les arcanistes du groupe ne parvinrent pas à percer tous les secrets.

Les héros démolirent et incendièrent la ferme maudite, puis prirent une nuit de repos à l’abri dans l’ancien chenil. Paélion repéra à l’orée de la clairière une silhouette immatérielle qui observait la scène. La forme spirituelle était un éladrin aux couleurs automnales dont l’enveloppe physique se situait vraisemblablement en Féérie. La vision disparut aussi vite qu’elle était apparue. Au petit matin, et au grand regret de Namnam, Jakardros rendit la liberté à son compagnon ours. Enfin, les héros, accompagnés de Shalelu et des trois Flèches Noires firent route vers le Bac de la Tortue sous une pluie battante. Ils se rendirent immédiatement au temple où ils expliquèrent la situation au Père Maelin. A partir d’une liste de noms de clients du Paradis fournie par Kaven, ils tentèrent de rassembler les villageois porteurs de la marque de Lucretia. Quelle fût leur surprise de voir près d’une vingtaine d’individus se présenter au temple le soir venu! Namnam leur expliqua la situation, et le danger que représentait pour eux et pour leur village le rituel auquel ils avaient été soumis. Mais la diplomatie de la naine et l’intimidation du barbare demi-orque n’y suffisaient pas. Paélion et Namnam usèrent donc d’illusion et de supercherie pour convaincre finalement les villageois de faire brûler leur tatouage. La moitié d’entre eux y consentit finalement.

Après une nuit réparatrice à l’auberge du village, les premières heures du lendemain furent consacrées à établir un plan d’attaque pour reprendre le fort. Cette idée pour le moins périlleuse ne semblait pas effrayer les héros malgré les forces ennemies en présence. Vale leur commenta les plans du fort, récupérés plus tôt au temple. Une attaque frontale était vouée à l’échec. Face à des adversaires nombreux et brutaux, il fallait user de ruse. Parmi les différents angles possibles, le groupe porta son dévolu sur un réseau sousterrain dont les boyaux et grottes s’étendaient sous la falaise contre laquelle le fort était construit. Il devrait être possible d’y accéder par une cascade, puis de rouvrir les anciens accès autrefois condamnés qui donnaient sur l’intérieur de la forteresse. Jakardros savait que ces cavenes étaient habités par une tribu de kuo-toas. Malgré la présence de ces créatures aquatiques primitives, cette option leur sembla tout de même préférable. Il ne restait plus qu’à mettre ce plan à l’œuvre…

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