mercredi 30 mars 2011

Sans nouvelles des Flèches Noires

Paélion, Namnam, Belrag, Bitul, Enora et Shalelu progressaient vers leur destination sous une froide pluie d’automne. Fort heureusement aucun incident ni aucune mauvaise rencontre ne vint plus perturber leur voyage. Deux jours après l’affrontement de Mantétoile, ils arrivèrent sur les rives du lac Fondargile. Le village du Bac de la Tortue se distinguait à l’horizon. Le groupe croisa quelques trappeurs qui leur confirmèrent ce que Shalelu avait déjà cru remarquer : les animaux sauvages s’éloignaient du cœur sauvage de la forêt ou quittaient les hauteurs des montagnes pour s’aventurer étonnamment près des régions plus civilisées. Dans cette résion sauvage, Paélion pouvait presque percevoir la finesse du voile tellurique qui séparait le monde matériel de la Féerie. Arrivés au village, les héros constatèrent le caractère très cosmopolite des autochtones. Hommes, elfes, nains, gnomes, et même quelques génasis et goliaths composaient cette population locale de colons ou de descendants de colons, estimée à trois ou quatre centaines d’individus. Le Bac de la Tortue devait son nom aux coques des embarcations qui faisaient l’aller-retour d’une rive à l’autre du fleuve Cèdre. Bitul reconnut qu’elles étaient faites de carapaces de dragons-tortues gigantesques, des créatures qu’il connaissait bien.

Sans prendre le temps d’une halte à la taverne ou à l’auberge, les héros se rendirent au temple de Chauntéa où officiait le Père Maelin, également bourgmestre du village. Après quelques échanges de civilités, le vieil homme fut assailli de questions. Espérant que ce groupe d’étrangers lui apporte assistance pour ses propres problèmes, il n’hésita pas à répondre à leurs interrogations. Il expliqua que le Bac de la Tortue devait sa relative sécurité à une importante faction de rangers appelés les Flèches Noires. Ces combattants d’élite, établis dans un fort situé plus en amont, protégeaient le village et ses habittants contre les débordements des tribus d’ogres et de géants qui peuplaient les régions montagneuses plus au sud. Mais, depuis presque un mois maintenant, ils étaient sans nouvelles de leurs hommes d’armes. Le petit groupe de volontaires que Père Maelin avait envoyé aux nouvelles la semaine précédente en direction de Fort Rannick n’était toujours pas revenu. Les aventuriers proposèrent aussitôt leur aide pour s’y rendre à leur tour.

Lors d’un passage rapide au magasin général du village, les héros furent surpris d’apercevoir une étrange pièce de monnaie gravée du Sihedron dans la bourse du marchand. Interrogé à ce sujet, le commerçant, un gnome prénommé Kendric, se montra peu loquace et visiblement un peu gêné. En menant leur petite enquête les héros découvrirent qu’une vaste barge abritant un établissement de jeu (également soupçonné d’activités illégales) s’était amarrée pendant un temps dans le port du Bac de la Tortue. Dirigé par une certaine Lucretia, ce casino flottant utilisait des jetons de bois et de métal gravés du symbole antique. Il y a quelques mois, le bateau quitta finalement le port sans préavis. Il aurait fait naufrage peu après son départ pour des raisons inexpliquées. Personne n’avait plus entendu parler de Lucretia depuis cet événement.

Il pleuvait toujours lorsque les héros se mirent en route pour Fort Rannick. Ils remontèrent le courant en suivant la rive occidentale du Cèdre, et atteignirent un pont qui marquait la frontière entre les régions civilisées, et les territoires sauvages qui les attendaient sur l’autre rive. Ils entendirent soudain le cri plaintif d’un animal blessé. Namnam s’y précipita aussitôt, suivie de près par ses compagnons. Un ours était pris au piège entre les énormes mâchoires de fer d’un cruel mécanisme. L’animal était vraisemblablement apprivoisé car, malgré son état, il laissa Bitul s’approcher pour l’aider à se libérer. La force brute du demi-orque eut raison du piège, et l’ours fut rapidement sorti d’affaire. C’est alors que surgit un ogre aussi impressionnant qu’hideux, précédé d’une meute de chiens géants. Le monstrueux chasseur, vexé qu’on le prive de son gibier animal, décida de faire des héros ses nouvelles proies. L’ogre fit tournoyer son fléau d’arme, et parvint ainsi à projeter ses adversaires au sol. Les canidés affamés se jetèrent alors sur ces derniers, toutes dents dehors, dévorant leurs chairs, interrompant par moment leur festin pour pousser de lugubres aboiements de terreur. Le combat fut épique. En combinant leurs efforts, les héros parvinrent à éliminer les chiens, et à mettre l’ogre difforme en déroute. Le monstre fut finalement achevé pendant sa fuite d’un coup de patte vengeur de l’ours apprivoisé. L’ogre portait en guise de trophées des insignes arrachés à des uniformes. Shalelu y reconnut le symbole des Flèches Noires. Grâce à ses talents de pisteuse combinés au flair de l’ours intelligent qui les accompagnait désormais (à la grande joie de Namnam), il ne fut pas difficile de remonter la trace laissée par l’ogre.

La piste conduisit à un chemin forestier qui déboucha sur une petite clairière. On pouvait y voir une ferme délabrée aux fenêtres barricadées, d’anciennes cultures en friches, et un chenil en piteux état. La présence des intrus fut vite remarquée, et une cloche retentit à l’étage de la ferme, donnant l’alerte à ses vraisemblables occupants. Mais les héros se dirigèrent en premier lieu vers le chenil. Ils tombèrent nez à nez avec trois ogres. A l’instar de la créature qu’ils avaient déjà affrontée, ceux-là étaient également atteints d’affreuses difformités contre nature qui les rendaient particulièrement effrayants. Sans autre préambule, les monstres brandirent leurs armes et entamèrent les hostilités. Une araignée de phase géante, avec laquelle les ogres avaient appris à cohabiter (en partie à leurs dépens), se joignit également à la mêlée. Un combat d’une sauvagerie rare fit rage. Les ogres se battaient sans subtilité ni tactique mais chacun de leur coup de hachoir ou de masse était dévastateur. L’araignée projetait sa toile, se téléportait dans le dos des héros et leur transperçait les chairs de sa morsure empoisonnée. Mais au final, la maitrise des arcanes, les talents martiaux, et les affinités primales des héros firent la différence. Ils furent une fois de plus victorieux.

Une grande porte à l’arrière du chenil s’ouvrit sur un petit réduit qui servait de cachot. Trois prisonniers, affamés, affaiblis, torturés, s’accrochaient encore à la vie. Le premier était un homme d’âge mur. Il portait une barbe en bataille et avait un œil bandé. L’ours apprivoisé reconnut son maître et vient s’asseoir à ses côté. L’homme n’était pas inconnu pour Shalelu qui dut bien admettre que des raisons personnelles l’avaient poussée à accompagner les héros jusqu’ici. Le second prisonnier avait la peau noire des hommes du Turmish. Le troisième était un garçon à peine sorti de l’adolescence. L’elfe proposa d’assister les malheureux et de leur prodiguer les premiers soins.

Prenant à peine le temps de souffler et de se remettre de leurs émotions, le reste du groupe se dirigea vers la ferme. Dans leur précipitation, ils déclenchèrent un piège de lames et firent exploser une glyphe de garde magique qui en protégeaient l’entrée. Peaux humaines, morceaux de chairs, accumulations d’ossements, grigris de mauvais goûts et détritus en tout genre constituaient la décoration intérieure de la demeure, qui abritait depuis visiblement assez longtemps une grande famille d’ogres. Les héros évitèrent de justesse de tomber dans un autre piège tendu dans la pièce qui faisait office de salon.

En continuant leur exploration du rez-de-chaussée, ils tombèrent vite nez-à-nez avec la matriarche, une ogresse obèse et difforme, qui mâchouillait une jambe humaine. Sa chambre à coucher était un véritable et indescriptible charnier. De la masse d’ossements et de chairs au sol s’élevèrent un groupe de zombis en putréfaction. L’ogresse maîtrisait les arts sombres de la nécromancie. Pendant que ses sbires mort-vivants attaquaient les héros, elle leur infligeait des dommages nécrotiques qui les paralysaient, et lui redonnait des forces vitales. Les zombis n’étaient pas très résistants, mais explosaient au premier coup porté, ce qui faisaient d’eux une menace bien réelle. Peu après, deux jeunes ogres, qui n’avaient pas encore atteint leur taille adulte, vinrent couper la retraite éventuelle des héros, en débarquant dans leur dos pour se battre aux côtés de leur mère. Ces monstres étaient particulièrement atrophiés, comme s’ils n’avaient pu avoir une croissance normale. Ils ne maniaient pas d’armes, mais utilisaient leurs dents et leurs griffes pour attaquer férocement. Les héros parvinrent cependant, après quelques instants d’hésitation, à mettre en place leur stratégie de combat. Utilisant tactiquement le retranchement d’un couloir, ils surent se répartir les rôles et faire face à tous les fronts simultanément. Bien qu’ayant déjà essuyé deux autres affrontements, ils n’étaient pas encore dépourvus de ressources, et surent les déployer pour remporter une fois de plus la bataille.

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